La finalité de la cardio-oncologie est de faciliter le suivi des toxicités cardiovasculaires des traitements anticancéreux mais aussi de façon plus générale d’aider les oncologues à la prise en charge préventive et curative des pathologies cardiovasculaires des patients traités pour cancer.
L’hôpital Lariboisière-Saint Louis est un des rares centres de cardio-oncologie français, l’activité médicale et de recherche du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière étant étroitement liée à celle conduite en immunologie, en oncologie et en radiothérapie à l’hôpital Saint Louis (GH Hôpitaux universitaires Saint Louis, Lariboisière, Fernand-Widal) ainsi qu’à l’hôpital Avicenne (93).
Ces dernières décennies, le pronostic des patients cancéreux a été globalement amélioré à long terme. Avec, comme corollaire des thérapies anti-cancéreuses, une toxicité pour les autres organes et notamment le cœur et les vaisseaux. 30% des patients cancéreux reçoivent un médicament pouvant avoir un effet toxique cardiaque. 30 % d’entre eux développeront des complications cardiovasculaires*.
Pour faire face à cet enjeu est née la cardio-oncologie, spécialité très récente, liant les deux thématiques – la cardiologie et la cancérologie – notamment parce qu’un grand nombre de thérapeutiques anticancéreuses et en particulier les chimiothérapies, ont une toxicité cardiovasculaire à l’origine d’une hypertension artérielle, de troubles du rythme cardiaque, de la fonction cardiaque et de la coagulation sanguine etc. au cours du traitement mais aussi au-delà. Parmi d’autres figurent les multiples mécanismes de toxicité myocardique des anthracyclines et des thérapies ciblées, l’hypertension artérielle déclenchée par les anti-angiogéniques, une plus grande susceptibilité cardiaque aux anthracyclines chez les femmes ayant un cancer du sein ou de l’ovaire associé à la mutation du gène BRCA 1 par exemple, ou encore les effets de la radiothérapie sur la fonction cardiaque.
Les premiers jalons de cette spécialité ont été définis par l’International CardiOncology Society fondée en 2009. Tout récemment, en 2016, le groupe de travail de la Société européenne de cardiologie sur la cardiotoxicité des anticancéreux, avertissait qu’il n’était plus envisageable de stopper ou d’ajuster une chimiothérapie sans l’avis de l’équipe de cardio-oncologie. « Notre service de cardiologie offre un recours aux patients sous thérapeutiques anticancéreuses dans les plus brefs délais et apporte son expertise dans ce domaine, présente le Pr Alain Cohen-Solal, chef du service de cardiologie. L’idée est de devancer la dysfonction cardiaque au cours du traitement du cancer, en la détectant de plus en plus précocement (dosages des hormones natriurétiques, des troponines et à l’avenir de nouveaux biomarqueurs, mesure de la déformation du tissu myocardique par échocardiographie…), et idéalement, en la prévenant ainsi qu’en proposant des traitements cardioprotecteurs et des aménagements thérapeutiques. Deux médecins, les Drs Mathilde Baudet et Pierre Taboulet à St Louis sont ainsi particulièrement impliqués dans ces projets, avec les Drs George et Nicol ».
Par ailleurs, le fait d’avoir un cancer est un facteur d’exclusion des essais thérapeutiques dans le domaine cardiovasculaire. A l’inverse, les patients cardiaques sont souvent mis à l’écart des études en oncologie. Pour mieux explorer ce domaine, la Société Française de Cardiologie a créé début 2018 un Cercle Français de Cardio-Oncologie. En tant que responsable de cette nouvelle entité, Alain Cohen-Solal supervise un certain nombre de projets de recherche, sur le plan expérimental à partir de modèles animaux mais aussi cliniques chez l’homme. « Parmi les essais en cours en cardio-oncologie, poursuit-il, des traitements habituels de l’insuffisance cardiaque sont testés en prévention chez des femmes ayant un cancer du sein. Ici, dans le service, nous testons l’intérêt de l’activité physique dans un objectif de meilleure tolérance des chimiothérapies chez les femmes ayant un cancer du sein ainsi que sur le risque de rechutes de cancers ». La prise en charge optimale des thromboses, de l’hypertension artérielle, l’aide aux programmes d’activité physique chez les femmes avec cancer du sein sont d’autres thèmes de travail. Enfin, cette activité de recherche clinique se double d’une activité de recherche fondamentale au sein de la future équipe « Biotargets in CardioOncology » de l’unité INSERM U942 actuellement dirigée par le Pr Cohen Solal.
* Cancer Trends Progress Report 2011-2012
Visuel en Une : Pr Alain Cohen-Solal, chef du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière
Hélène Joubert, journaliste.