L’amylose cardiaque est une atteinte du cœur pouvant conduire à une insuffisance cardiaque. L’amylose AL (ou immunoglobulinique), le plus souvent associée à une gammapathie monoclonale*, est une maladie rare du sang. Certains globules blancs (plasmocytes) synthétisent en excès des chaînes légères d’immunoglobulines monoclonales (protéines du plasma humain qui possèdent des propriétés immunitaires) qui s’agglomèrent en fibrilles dans plusieurs tissus, dont le cœur, les reins ou les nerfs. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 65 ans. Les signes d’alerte sont ceux d’une insuffisance cardiaque (essoufflement, fatigue, asthénie), une atteinte du canal carpien, des anomalies spécifiques à l’électrocardiogramme (microvoltage, hypertrophie du ventricule gauche du cœur), un syndrome néphrotique (insuffisance rénale) et, lors de la prise de sang, l’observation de biomarqueurs cardiaques très élevés, révélateurs d’un dysfonctionnement du myocarde. Le traitement de l’amylose AL repose sur une chimiothérapie, avec un suivi hématologique, néphrologique, et cardiologique. Des immunothérapies devraient prochainement être autorisées dans cette indication. Dessin : Hélène Fournié ; Présence d’amylose (dessin de droite) * Désigne une anomalie qui se traduit par un excès dans le sérum et/ou les urines d’immunoglobulines monoclonales. |
Le Dr Martin Nicol, chef de clinique au sein du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP), a créé en 2019 une consultation spécialisée sur l’amylose cardiaque, appelée « Consultation cardio-amylose ». Une fois par semaine, détaché du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière, il consulte à l’hôpital Saint-Louis (GH Lariboisière, Saint-Louis, Fernand Widal, AP-HP).
Il y reçoit des personnes chez qui une amylose cardiaque a été diagnostiquée, mais également en cas de suspicion d’atteinte cardiaque dans le cadre d’une amylose détectée au niveau d’autres organes, ou même des patients qui ont un myélome et, de ce fait, un risque d’amylose cardiaque associée. Chez ces patients, pour la plupart suivis en hématologie à l’hôpital Saint-Louis, « mon rôle est de réaliser un bilan, explique le Dr Nicol, et de détecter une éventuelle atteinte cardiaque à l’aide d’un examen clinique, d’un électrocardiogramme (ECG), de prises de sang, d’une échographie cardiaque et éventuellement d’une IRM cardiaque. Le cas échéant, nous déterminons le stade de sévérité, les traitements spécifiques de protection cardiaque à mettre en place, et identifions des facteurs cardiaques de mauvais pronostic qui pourraient amener à modifier la chimiothérapie instaurée dans le cadre de l’amylose ».
L’amylose cardiaque, un domaine d’expertise
La prise en charge de l’amylose cardiaque relève de l’expertise. En effet, une atteinte cardiaque doit être diagnostiquée très précocement pour améliorer le pronostic et ceci au moyen d’outils spécifiques. De plus, les thérapies de l’insuffisance cardiaque dans le cadre d’une amylose cardiaque diffèrent de celles prescrites en cas d’insuffisance cardiaque classique. « Des spécificités thérapeutiques sont à maîtriser absolument, avec des traitements à éviter, notamment les béta-bloquants en cas d’atteinte cardiaque sévère, illustre Martin Nicol. Nous pouvons aussi être amenés à accélérer le cœur par stimulateur cardiaque (pacemaker) si le rythme cardiaque est trop lent (bradycardie). Autre exemple, l’option d’un traitement pour fluidifier le sang (anticoagulant) peut être envisagée car ces patients ont souvent des évènements thrombotiques (thromboses de veines et d’artères cardiaques dues à un caillot sanguin) ».
La recherche menée dans les hôpitaux Lariboisière et Saint-Louis
Le traitement de l’atteinte cardiaque n’est pas à ce jour totalement codifiée, d’où les recherches, dont certaines sont conduites par le Dr Martin Nicol, en particulier sur le diagnostic précoce de l’atteinte cardiaque et l’intérêt pronostique de nouveaux outils afin d’évaluer cette atteinte. A cette fin, une cohorte de patients suivis dans le service d’hématologie du Pr Bertrand Arnulf (hôpital Saint-Louis) a été constituée. Le Dr Nicol est confiant : « grâce aux chimiothérapies, au dépistage précoce de l’amylose et de l’atteinte cardiaque de la maladie, mais aussi aux décisions prises de manière collégiale entre les hématologues, les cardiologues, les néphrologues, etc., l’espérance de vie des personnes atteintes d’amylose a considérablement progressé ces dernières années. »
Hélène Joubert, journaliste