L’arrêt cardiaque réfractaire, défini par l’absence de reprise d’une activité circulatoire spontanée après au moins 30 minutes de réanimation, n’est plus une limite. Dans certains cas, lorsque l’infarctus du myocarde s’avère en être la cause, on peut désormais aller encore plus loin pour sauver une vie.
Environ 50 000 Français sont victimes chaque année d’un arrêt cardiaque. Moins de 5% survivent, en dépit des progrès réalisés à la fois dans la chaîne de survie et la réanimation cardio-pulmonaire. Un infarctus du myocarde, c’est-à-dire à l’occlusion brutale d’une artère du cœur (coronaire) par un caillot sanguin (thrombus), est la cause de l’arrêt cardiaque chez 30 à 50% des patients que les médecins ont réussi à réanimer.
En France, grâce aux équipes médicalisées extrahospitalières du SAMU, le patient réanimé est alors envoyé très rapidement en service de cardiologie interventionnelle pour un examen des coronaires (coronarographie) puis en réanimation. « Il est essentiel de connaître l’étiologie de l’arrêt cardiaque, assure le Dr Georgios Sidéris, cardiologue interventionnel à l’Hôpital Lariboisière (APHP, Paris). En effet, on ne peut espérer une bonne récupération si l’artère où s’est créé le thrombus reste partiellement bouchée. Il nous faut donc réaliser une angioplastie des coronaires occluses. Nous avons étudié, avec le Pr Patrick Henry et le Dr Sebastian Voicu, le profil de ces patients et nous avons constaté qu’il y avait 41% de survivants au sortir de l’hôpital (1). Cinq ans après, la grande majorité (93%) vit encore, avec une très bonne qualité de vie sans séquelle neurologique et peu ou pas de séquelles cardiaques ».

Dr SIDERIS Georgios, cardiologue dans le service du Pr Alain de Cohen-Solal, hôpital Lariboisière.
Mais parfois, il est impossible de réanimer certains arrêts cardiaques, y compris ceux dont la cause est un infarctus du myocarde. D’où l’idée depuis moins d’une dizaine d’années de mettre en place une circulation du sang de manière extracorporelle le plus tôt possible, sur le lieu même de l’arrêt cardiaque ou le plus vite possible à l’hôpital, pour ensuite désobstruer l’artère occluse par angioplastie et enfin réanimer le patient.
L’intérêt de la circulation extracorporelle
Cela est permis grâce à un appareil miniaturisé de circulation extracorporelle, appelé ECMO (Extracorporal Membrane Oxygenation), sorte d’assistance circulatoire d’urgence, extérieure à l’organisme. Ce dispositif récupère le sang dans la veine fémorale, joue le rôle du poumon en l’oxygénant et le réinjecte dans l’artère fémorale. Ainsi, tous les organes dont le cerveau, les reins, le foie… continuent d’être perfusés, le temps pour les cardiologues de comprendre pourquoi le cœur s’est arrêté. La coronarographie indique alors si une artère coronaire majeure est occluse, aussitôt désobstruée par angioplastie. « Dans les meilleurs expériences au niveau mondial, explique le Dr Sidéris, les équipes parviennent à sauver jusqu’à la moitié des patients en arrêt cardiaque qui, sans l’ECMO posée à l’arrivée en salle de coronarographie, auraient été déclarés décédés. Ce sont pour la plupart des patients jeunes, entre 30 et 50 ans. Ainsi dans la série de l’équipe de l’Université de Minneapolis, avec laquelle nous collaborons depuis de nombreuses années, 42% de patients sortent vivants de l’hôpital après avoir expérimenté un arrêt cardio-respiratoire réfractaire extrahospitalier (2). Il s’agit bien évidemment d’une série de patients très sélectionnés (arrêt devant témoin, massé immédiatement et avec une occlusion coronaire comme étiologie) ».
Le service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière obtient pour sa part des taux de survie de l’ordre de 4% (3). En effet, le système du SAMU ne permet pas de sélectionner les patients les plus susceptibles d’être réanimés. Ce sont ceux qui répondent à certains critères : bonne espérance de survie, âge entre 30 et 50 ans, arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire, temps d’arrivée sur le site de l’arrêt cardiaque réduit, massage cardiaque immédiat et mise en place de l’ECMO le plus rapide possible après arrêt, signes de survie pendant la réanimation cardio-pulmonaire etc.).
Le SAMU 75, en collaboration avec certains hôpitaux parisiens teste lui aussi ce système d’ECMO, mais au domicile du malade et non pas à l’arrivée à l’hôpital, et de façon chirurgicale. Une première étude en 2017 (4) a montré que cela augmentait la survie à la sortie de réanimation. « Les résultats plus approfondis ne sont pas encore connus, mais toutes les équipes vont dans le bon sens : l’arrêt cardiaque réfractaire n’est plus synonyme de décès inéluctable, se réjouit le cardiologue. On peut se battre au-delà de l’arrêt cardiaque réfractaire grâce à l’ECMO, qu’elle soit posée en salle de coronarographie ou sur le lieu-même de l’arrêt cardiaque ».
Hélène Joubert, journaliste
Références :
(1) European Heart Journal: Acute Cardiovascular Care 2014, Vol. 3(2) 183–191
(2) JACC VOL. 70, NO. 9, AUGUST 29, 2017:1109 – 1 7
(3) Resuscitation 122 (2018) 69–75
(4) (DOI: http://dx.doi.org/doi:10.1016/j.resuscitation.2017.04.014)
Cas cliniqueCe patient de 60 ans a présenté un arrêt cardiaque réanimé sans succès après 43 min. Au lieu de stopper la réanimation et le déclarer décédé, il a été conduit en salle de coronarographie dans le service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière. Après avoir rétablit une circulation « de sauvetage » extracorporelle, malgré le cœur arrêté, l’équipe de cardiologues interventionnels a réalisé une coronarographie qui a mis en évidence l’occlusion de l’artère principale de son cœur (figure 2). L’ouverture de l’artère a permis à son cœur de repartir. Le patient a quitté l’hôpital sans séquelle neurologique ou cardiaque après une hospitalisation d’une quinzaine de jours.
|