La prise en charge de l’insuffisance cardiaque est l’une des spécificités du service de cardiologie de l’hôpital Lariboisière.
Le Pr Damien Logeart, co-fondateur de « FRESH », l’Observatoire Français de l’Insuffisance Cardiaque (FREnch Survey on Heart failure) et membre des groupes « insuffisance cardiaque » des sociétés française et européenne de cardiologie explique quels sont les signes qui doivent faire penser à cette maladie et quels examens réaliser pour aller plus loin
Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque ?
Pr D.L : Il s’agit d’une insuffisance de fonctionnement de la pompe cardiaque, d’où un débit sanguin ne satisfaisant pas les besoins de l’organisme. Ceci se répercute sur l’ensemble des organes, qu’ils soient rénaux, digestifs ou musculaires.
L’insuffisance cardiaque complique souvent d’autres problèmes de santé survenus en amont, tels un infarctus du myocarde, des anomalies des valves cardiaques, une hypertension artérielle, un diabète, une chimiothérapie, etc. Une composante génétique existe dans 10% des cas ; certaines mutations à l’origine du dysfonctionnement myocarde ont déjà été identifiées.
Cette maladie chronique, fréquente – 1% de la population au minimum, 10% au-delà de 75 ans pour un total d’un million de Français touchés – peut être handicapante et ponctuée d’épisodes de décompensation nécessitant une hospitalisation.
Comment diagnostique-t-on l’insuffisance cardiaque ?
Pr D.L : « EPOF ». Cet acronyme, slogan de la campagne de sensibilisation 2017 menée par le GICC (Groupe insuffisance cardiaque & cardiomyopathies) de la Société Française de Cardiologie, résume en quatre lettres les signes cardinaux de l’insuffisance cardiaque : Essoufflement (dyspnée) disproportionné par rapport à l’effort, Prise de poids rapide, Œdèmes, Fatigue excessive. Ils s’accompagnent parfois de palpitations, de douleurs abdominales, de malaises, de syndromes confusionnels chez les personnes âgées.
Aspécifiques, ses symptômes sont trompeurs et probablement à l’origine d’un retard au diagnostic et plus généralement d’un sous-diagnostic. Le GICC a mis en lumière que les deux tiers des personnes cumulant ces quatre symptômes n’ont pas jugé nécessaire de consulter un cardiologue dans les douze mois précédents.
Le plus difficile est d’y penser. Ensuite, une échographie cardiaque suffit au diagnostic, couplée à la recherche de marqueurs sanguins (dosage du peptide natriurétique de type B : BNP ou du NTproBNP). Une imagerie multimodale (échographie, Imagerie par Résonnance Magnétique, examens isotopiques, coronarographie) est nécessaire pour élucider les mécanismes impliqués. Pour ce faire, l’hôpital Lariboisière dispose d’un plateau d’imagerie très complet.
Comment traiter l’insuffisance cardiaque ?
Pr D.L : Cinq classes thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque sont efficaces, dans l’optique de stabiliser la maladie ou du moins d’en ralentir l’évolution, le plus souvent prescrites conjointement à des diurétiques. Outre les médicaments, des solutions spécifiques existent comme les défibrillateurs cardiaques implantables ou le traitement des anomalies responsables de l’insuffisance cardiaque (traitement de la coronaropathie, remplacement des valves cardiaques, alcoolisation septale, transplantation cardiaque).
Les patients sont suivis par un cardiologue une fois par trimestre ou semestre et idéalement chaque mois par leur médecin généraliste, dans l’optique d’ajuster le traitement et de s’assurer de la bonne tolérance des médicaments au moyen d’un prélèvement sanguin au minimum tous les six mois.
Enfin, qui dit maladie chronique dit Education thérapeutique du patient (ETP), avec une éducation diététique majeure focalisée sur les apports sodés, une formation sur la gestion des thérapeutiques, sur les signes de décompensation (exacerbation des signes habituels) qui permettent d’éviter de nombreuses hospitalisations en urgence.
La réadaptation cardiaque est essentielle et 25% des patients pris en charge en réadaptation cardiaque ambulatoire à l’hôpital Lariboisière souffrent d’insuffisance cardiaque chronique.
La télémédecine occupe une place grandissante dans le suivi des maladies chroniques. Le programme ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l’Amélioration du Parcours En Santé) est généralisé depuis 2016* et l’insuffisance cardiaque figure dans le trio de tête avec la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive chronique souvent liée au tabac) et l’insuffisance rénale chronique. Le service se prépare à opérer cette mutation, sous la forme d’appels réguliers et de l’exploitation des objets connectés facilitant la surveillance à distance de certains paramètres (poids, fréquence cardiaque, électrocardiogramme).
Pour en savoir encore plus, vous pouvez consulter le site : www.insuffisance-cardiaque.fr
Propos recueillis par Hélène Joubert, journaliste
*loi n° 2016-1827 de financement de la sécurité sociale pour 2017